Depuis, précisément, le 26 mars 2008, les constructeurs que sont Jaguar et Land Rover sont passés sous les mains de TATA Motors. D’origine indienne, elle réussit à convaincre Ford de lui céder les deux marques, pour une somme relativement importante. Cette histoire a tout de même mis 2 ans avant d’arriver à ce terme. Il faut dire que les offres d’achat de la part d’autres constructeurs ont été nombreuses.
A l’origine, Ford avait acheté Jaguar en 1999, tandis qu’il a récupéré Land Rover à BMW, un an plus tard, en 2000. Par la suite, le constructeur avait investi des sommes jugés considérables dans ces deux marques, au positionnement premium. Voire même de prestige. Pourtant, au moment de la vente, les résultats commençaient à être positifs. Entre la Jaguar XF sorti à l’époque, qui semblait connaître un très bon début au niveau de sa carrière ; et Land Rover, qui réalise des ventes record en 2007 (+17,6%), tout semblait positif.
Tout allait bien, pourtant…
Cependant, malgré la bonne situation de ces deux marques, Ford en tant que tel connaissait un déclin en Amérique du Nord, son marché de prédilection. Ainsi, et afin d’assurer sa propre restructuration, Ford se voit obligé de réduire la voilure. Elle se mettra donc à vendre plusieurs de ses actifs. Aston Martin, pour commencer. Puis, dans un second temps, le duo Jaguar Land Rover.
Ainsi, de 2006 à 2008, Ford retient 3 candidats. On a donc Tata Motors, mais aussi Mahindra, qui est également un constructeur italien. Ce n’était pas tout, le troisième constructeur sur les rangs étant… PSA ! En effet, le groupe français voulait probablement augmenter son portefeuille avec des marques premium.
Tata Motors a convaincu Ford de leur vendre Jaguar et Land Rover, grâce aux garanties financières et sociales du groupe indien. En effet, ils ont été jugés plus crédibles par les dirigeants de Ford, tout comme par les syndicats représentant les collaborateurs de Jaguar – Land Rover.
Qui est Tata Motors ?
Cette opération est une franche réussite pour le groupe Tata Motors, bien qu’il ait été décrié par certains fans de Jaguar, notamment, du fait que la marque soit cédée à un constructeur indien. Pendant des années, beaucoup avaient eu peur de la finalité de l’acquisition, et cela peut se comprendre quand on voit les modèles que Tata proposait en son nom.
Il se trouve qu’en effet, ils vendaient la Tata Nano, qui était la voiture la moins chère du monde. En effet, neuve, elle coûte 2000€. Marché indien oblige, la voiture est très accessible de ce fait. Elle doit cependant faire l’impasse sur énormément d’équipements. Elle n’a pas la direction assistée, ni d’ABS, ni de climatisation, et sa vitesse est limité à 110 km/h. La voiture ne peut pas aller plus loin que la ville. En clair, la division automobile du groupe indien ne construisait que des petites citadines et des 4×4 à la conception dépassée.

On ne l’appelait pas la voiture de pauvre pour rien… Elle pouvait s’acheter pour 1500€, elle a failli arriver en Europe, mais finalement ça ne s’est pas fait… On se demande pourquoi !
Ainsi, ce rachat permettra au groupe d’acquérir une division internationale, mais aussi d’acquérir un nouveau savoir-faire. Et pas des moindres ! Elle récupère également un outil industriel restructuré par Ford. D’ailleurs, pendant quelques années, ce dernier assumera une partie des coûts des retraites des salariés des deux groupes. La pris en charge se fera jusqu’à 600 millions de dollars.
De plus, Ford fournira encore des moteurs à Tata, tout comme les transmissions et d’autres pièces vitales pendant une durée non divulguée. Tata Motors pourra, dès à présent, envahir le marché européen et américain.
Une bonne acquisition sur le long terme ?
Le problème concernant cette acquisition, ce sont les résultats de chaque année, très variables. Une variabilité qui suit le cheminement des montagnes russes. C’est simple, il peut y avoir une année où tout se passe bien, et une autre année où les résultats de l’entité Jaguar Land Rover plombent les résultats globaux du groupe Tata.
Plusieurs raisons expliquent ce manque de stabilité au fil des années. Tout d’abord, le Diesel Gate qui menace indirectement Land Rover. Ceci émane du fait que 90% des motorisations vendues par le groupe sont des diesels. Suite à la politique de certains continents comme en Europe, cette tendance des ventes pourrait se retourner contre Land Rover.
Toujours concernant Land Rover, elle a eu l’opportunité de voir ses ventes partir à la hausse, du fait de la mode des SUV. Résultat, Jaguar récupère également ces SUV, auquel elle apposera sa marque. On a par conséquent deux marques qui se cannibalisent, ce qui ne permet pas d’assurer une rentabilité sur le long terme. D’ailleurs, on le voit puisque, si 2018 était une bonne année pour ces deux marques, elles ont été déficitaires en 2019, avant de connaître une bonne année 2020, malgré la crise il faut croire. On attend les résultats définitifs concernant 2020.

Jaguar et Land Rover proposent des SUV dont certains (pas forcément ces deux modèles précis) se font concurrence entre eux
Plus généralement, on ne connait plus trop le positionnement actuel de Jaguar. La marque elle-même ne sait plus trop où se positionner, Elle a du mal à vendre ses berlines XE et la XF, ainsi que la grosse limousine, la XJ. De plus, chose assez contradictoire par ailleurs ; elle subit en quelque sorte le programme de réduction des coûts instauré par Tata Motors. Un tel programme existe alors que l’entité JLR possède au total 5 plateformes différents, alors que Volvo, par exemple, n’en possède que 2, plus modulables. A côté, Jaguar prévoit de sortir pour 2021 le SUV J-Pace, dont son but est de concurrencer le Porsche Cayenne. Cependant, il pourrait, encore une fois, compromettre certaines perspectives du Range Rover.
Plusieurs sorties de crise envisagées
Pour commencer, on parle d’une possibilité de passer toute la gamme de Jaguar en électrique. On a déjà l’I-Pace, qui est un SUV électrique et qui s’est assez bien vendu… La première année de sa sortie. Très vite, la concurrence à rétorquée, ce qui a provoqué des baisses de vente de l’I-Pace. La XJ, la limousine, aurait pour projet de devenir entièrement électrique également. Cela permettrait de proposer une limousine qui diffère des concurrents. Le groupe Tata Motors a pris tellement de retard en matière d’électrique qu’elle a déjà prévu un budget des amendes qu’elle devra verser à l’Union Européenne, au titre de l’année 2020. On peut donc s’attendre à ce que les résultats de cette année soient plombés à cause de ces amendes. De plus, cela ne permet pas à Tata Motors d’investir davantage sur l’électrique, mais niveau incohérence, il ne faut pas chercher davantage…
D’autres solutions sont envisagés. Parmi elles, la vente. En tout cas, pendant un moment, Tata Motors songeait à vendre l’entité Jaguar – Land Rover. On parlait d’une vente auprès de PSA, encore une fois. Cependant, Tata Motors a très vide démenti ces rumeurs. Ensuite, on parlait également d’une vente aux chinois. Par la suite, un accord ayant eu lieu entre JLR et BMW pour la fabrication de composants de batteries, laissait entrevoir une future alliance. Ceci même si le PDG de JLR, Ralf Speth (à la retraite depuis), déclarait à ce moment que l’entreprise peut se suffire d’elle-même, mais qu’elle souhaite consolider ses alliances.
Jaguar trop germanique ?
Jaguar est également accusé de prendre du retard sur les technologies. Elle a pris du retard déjà sur le diesel, dans les SUV et désormais, elle semble prendre son temps en matière d’électrique. De plus, elle est souvent pointée du doigt de par sa ressemblance avec les modèles allemands. Constructeur anglais d’origine, il se trouve qu’actuellement, la marque se rapproche beaucoup trop d’un design allemand, puisqu’elle voulait les concurrencer. Ceci alors que Jaguar aurait dû rester un constructeur de niche, puisqu’elle avait un positionnement prestigieux. Au contraire de Land Rover, qui a trouvé son style esthétique propre à lui.

Le choix stylistique pris par Jaguar ces derniers temps est assez étonnant. Clairement, le design est 100% germanique, loin de l’idée initiale d’une berline à l’anglaise comme on en a pourtant jusqu’à la fin des années 2000.
La filiale JLR dépend beaucoup du marché chinois. En 2018, la mauvaise santé de cette entité, qui a frappé directement Tata Motors, avait pour cause le marché chinois, qui n’était pas au beau fixe. Le Brexit n’a pas aidé, mais n’était pas la seule cause. En 2019, les résultats étaient meilleurs car le groupe a connu une amélioration des ventes de Jaguar – Land Rover en Chine. Il y a donc beaucoup d’instabilité dans les résultats de JLR, qui frappent directement Tata Motors.
Toutefois, le pari est considéré comme réussi. Effectivement, Tata Motors s’est implanté dans le monde. Elle arrive plus ou moins à supporter les déficits rencontrés par l’entité JLR. En tout cas, pour le moment. Reste désormais, pour l’entité, à réussir plusieurs objectifs. Passer Jaguar en 100% électrique, consolider le marché américain et chinois, et se passer du diesel. Tout cela parait simple, dit comme ça, mais pour y arriver, il faudra que le groupe y mette du sien, financièrement parlant. Evidemment, cela prendra des années.